Combat pour le climat

Contre l’effondrement, Extinction Rebellion

prône la désobéissance civile

Grâce à un discours plus radical que celui d’organisations écologistes « classiques », le tout jeune collectif Extinction Rebellion France séduit les jeunes en quête d’un engagement fort pour le climat. Formés à la désobéissance civile, ils attendraient avec impatience leurs premières actions sur le terrain.

La désobéissance civile (DC) « est d’abord une action illégale », explique Manuel Cervera-Marzal, membre d’XR : « mais commise en vue de l’intérêt général, non violente dans le sens où elle respecte l’intégrité physique et morale de l’adversaire, à visage découvert car on assume les conséquences de ses actes. » Il distingue désobéissance civile directe et indirecte : « Quand le mouvement des droits civiques porté par Martin Luther King, aux États-Unis, pénétrait dans une bibliothèque interdite aux Noirs, ils contestaient directement la loi incriminée. Mais quand vous décrochez un portrait de Macron dans une mairie, ce n’est pas pour s’opposer à la propriété privée. C’est pour attirer l’attention sur l’inaction climatique du gouvernement. »

A son origine, le terme de désobéissance civile, qui remonterait au XIXe siècle, serait apparu pour la première fois en titre d’un ouvrage de l’écrivain américain Henri David Thoreau, Civil Desobedience.  Mais la publication sous ce titre a eu lieu à titre posthume. À l’intérieur du texte, le terme n’apparaissait pas. Reste que Thoreau y expliquait qu’il est légitime de ne pas payer son impôt, en signe de désaccord avec la politique esclavagiste de son État. L’expression a ensuite été adoptée par Gandhi dans les années 1910, ce qui a permis de populariser le terme.

Radicalisation pour le climat…

Depuis des décennies, les classes dirigeantes & possédantes s’émeuvent en public des questions de pollutions, en particulier de l’effet de serre, ou des marées noires, exemple : en 2002, Jacques Chirac, alors chef de l’État, faisait un amer constat – dont le vocable est aujourd’hui légendaire, car rappelé à chaque occasion – « La maison brûle, et nous regardons ailleurs. Nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas ! ». Cette célébrité intemporelle ne doit rien au hasard, elle coïncide formidablement avec cette insistance machiavélique et, ou pathologique à toujours regarder ailleurs…

Manifestations, pétitions, lettres publiques, promesses politiques, de par le monde, n’y feront rien, « on continue à regarder ailleurs ! ». Inutile d’énumérer ici tous les engagements pris par les dirigeant-es de toute obédience, personne n’est dupe du constat des soit-disant engagements, alors que l’inaction, elle, n’est plus à prouver (…)

Des militant-es, plus souvent jeunes, décident donc d’agir au-delà de simples manifs, des pétitions, afin de développer à grande échelle la dite « désobéissance civile ».

Terme un peu pompeux comparé à son origine, où le refus de payer l’impôt fut la première action forte engagée. Il n’y a aucune désobéissance et illégalité à manifester, occuper le parvis d’une industrie polluante, ou le Parlement, dans la mesure où il n’y a pas obstruction. En revanche, tenter de bloquer une raffinerie de pétrole, une assemblée politique ou économique, barrer la route aux ventes d’armes, aux convois de CRS, aux transports de matière radioactive, etc. là, la « désobéissance » s’affirme ; sans violence !

Une sémantique c’était donc dévoilée, puisque nous pourrions également parler de DC lorsque le Black block s’en prend par exemple à un distributeur de billet de banque (action non légale), or le BB s’en contre fout de telle dénomination, son acronyme équivaut à un « copyright » en évitant la confusion des genres et en marquant son originalité ; DC et non violence seraient donc synonymes.

Constatons également que la DC a ses limites, tout comme l’action (prétendument) violente. Tout deux sont de l’action directe, à l’instar d’une grève, d’une manifestation ou de toute action physiquement revendicative ou dénonciatrice. Mais quel que soit le type d’action directe, c’est principalement le nombre de participant-es qui fera la différence quant à une évolution politique, ou non.

Et, en tout été de cause, rappelons que la radicalité n’est pas synonyme de violence !

 

Sans violence

Se fondant sur les rapports de domination, le combat non-violent part du constat que nous nous faisons (trop souvent) une fausse idée de la violence et des moyens de la combattre, parce que nous surestimons ses capacités. Lorsqu’il analyse les causes de l’oppression de son pays par le colonialisme anglais, Gandhi souligne que « ce ne sont pas tant les fusils britanniques qui sont responsables de notre sujétion que notre coopération volontaire ». Dans cette perspective, les deux composantes irréductibles d’une situation de domination sont, d’une part, la coercition des oppresseurs et, d’autre part, la coopération plus ou moins forcée des opprimés. Le propos rappelle Le Discours de la servitude volontaire d’Étienne de La Boétie (au XV° siècle) : « Je désirerais seulement qu’on me fît comprendre comment il se peut que tant d’hommes, tant de villes, tant de nations supportent quelquefois tout d’un tyran seul, qui n’a puissance que celle qu’on lui donne. ». A propos du nazisme, l’allemand Martin Niemöller précisait « Le silence des pantoufles est plus dangereux que le bruit des bottes ».

Fort de cette conviction, Extinction Rebellion attire les jeunes dans une démarche activiste prônant la désobéissance civile… Le militantisme produirait-il une frontière générationnelle ? En partie, certainement ; mais ni plus ni moins qu’au sein d’autres domaines (revendicatif, créatif, familiale…). Que la jeunesse porte le flambeau du combat est heureux, et après tout rien n’est plus logique, elle doit aussi répondre pour son avenir, malheureusement déjà très entaché. Bien sur, il serait souhaitable que la même lucidité et radicalité s’opèrent des questions économiques & sociales (travail, protections sociales, précarités, racisme et toutes autres discriminations sociales…), puisque là encore, le futur lui appartient !

En parallèle, il est bien joli de scander : « changeons le système pas le climat » comme l’exprime notamment le réseau Alternatiba. Hormis sa mobilisation pour le climat (sans gêne pour le public), il n’est guère présent sur d’autres fronts. Or, pour changer le système la problématique est abyssale, en prenant en compte toute l’économie de l’humanité ; en premier lieu, occidentale.

Le mouvement écologiste – hétérodoxe – dans son ensemble, préconise pour une amélioration des droits sociaux, et a commencé enfin, à sa base, à prendre en compte que le capitalisme est nocif pour le climat, la biodiversité…, mais reste encore en recul quant au droit du travail, alors que toute action humaine est intrinsèque à l’écologie. Mais idéologies et conditionnements sociaux sont tenaces !

La première action de DC de masse contre agriculture industrielle et ses engrais synthétiques a perturbé lundi 23 & mardi 24 septembre, à Brunsbüttel en Allemagne, le fonctionnement d’une usine de production de la société Yara, premier producteur d’engrais synthétiques européen et deuxième mondial. Plusieurs centaines d’activistes du groupe Free the soil ont tenu un siège durant 27 heures, afin de dénoncer les conséquences de cette agriculture sur le climat.

Outre Manche, des activistes anglais du collectif Heathrow, une émanation d’XR, entendent perturber le trafic aérien en faisant voler des drones proches de l’aéroport de Heathrow. Ce qu’il ont fait avant d’être délogés par la police.

En se penchant sur notre passé proche, constatons que la désobéissance civile de masse avait permis de faire annuler le projet d’extention du camp militaire au Larzac. Les nombreuses actions contre les constructions de centrales nucléaires furent souvent illégales, exemple de l’occupation du pylone d’Heiteren durant des mois. Puis, moins nombreux-ses furent les faucheurs-ses volontaires contre les OGM, le démontage d’un MacDo… Mais également la solidarité illégale dans le réseau éducation sans frontières, etc. Ainsi que toutes les luttes sociales (grèves, CPE, retraite…), environnementales à caractères radicales. Ce n’est donc pas récent.

S’il doit y avoir une inauguration en tant qu’action subversive non violente et illégale de masse pour le climat en France, il est encore un peu tôt pour se prononcer. En revanche, le mouvement de masse pour le climat est international, en cela la nouveauté se concrétise.

Quant à agir à visage découvert afin d’assumer les conséquences de ses actes, il appartient à chacune & chacun de participer à une action selon sa volonté ; après tout, l’émancipation de l’individu ne peut être qu’avec sa libre participation. De plus,il est compréhensif qu’un-e militant-e déjà bien fiché-e, ou pour se protéger de son employeur, ou autre raison légitime, se masque le visage.

La violence qu’exerce le capitalisme contre les travailleureuses et contre la nature dans sa biodiversité est bien la pire des violences, exceptées les guerres, qui aujourd’hui s’amplifient… A propos de la Syrie, rappelons-nous qu’en 2011, la peuple revendiquait pacifiquement pour une démocratie, Bachar El Assad leur a répondu par des bombardements…

En fait, dans presque tous les cas, la violence exercée par les populations ne leur ont presque jamais profité. Or, tous les régimes politiques en place, lorsqu’ils se sentent menacés ont recours à la violence, que cette menace soit pacifique, ou violente.

Sources : https://reporterre.net/ https://www.universalis.fr/

Jano Celle, le 3/10/19

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